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Guide pour les professionnels de la santé œuvrant auprès des familles immigrantes et réfugiées

Les infections à Helicobacter pylori

Faits saillants

  • Plus de 50 % de la population mondiale sont infectés par l’Helicobacter pylori (H pylori), la prévalence la plus élevée se situant en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud.
  • L’H pylori est surtout transmis par voies oro-fécale et oro-orale.
  • La plupart des infections sont asymptomatiques. Au cours de la vie, de 10 % à 15 % évoluent en ulcère gastroduodénal, et de 1 % à 3 %, en cancer gastrique.
  • Selon les directives pédiatriques, le dépistage de l’H pylori est recommandé en cas de présomption d’ulcère gastroduodénal, pour lequel les bienfaits du traitement sont établis. Les tests peuvent être envisagés en cas d’anémie ferriprive réfractaire et de thrombopénie immune chronique.
  • Une endoscopie digestive haute, accompagnée de biopsies en vue de mises en culture et d’examens histologiques, est la norme de référence pour parvenir à un diagnostic.
  • Le traitement suppressif est composé d’antibiotiques et d’un inhibiteur de la pompe à protons sur une durée de 14 jours. Les échecs thérapeutiques sont en croissance, en raison de l’antibiorésistance ou du peu d’adhésion au traitement. La réinfection est possible.
  • À l’heure actuelle, il n’est pas recommandé de procéder au dépistage systématique de l’infection à H pylori auprès de tous les récents immigrants et réfugiés.
  • Il n’existe encore aucun vaccin pour prévenir l’infection à H pylori.

Introduction

L’Helicobacter pylori (H pylori) est responsable de l’une des infections bactériennes les plus courantes chez les humains. On estime que 4,4 milliards de personnes sont infectées dans le monde1.

L’H pylori est un petit bacille microaérophile mobile et Gram négatif incurvé qui colonise la muqueuse de l’épithélium gastrique. La bactérie s’adapte au milieu gastrique acide en raison de la production d’uréase2. Certains hôtes éliminent la bactérie, tandis que d’autres contractent une infection chronique. L’H pylori peut induire une réponse inflammatoire locale, qui peut provoquer une gastrite, un ulcère gastroduodénal ou une néoplasie.

L’épidémiologie

Les humains semblent être des réservoirs naturels de l’H pylori. L’H pylori, est surtout transmis par voies oro-orale et oro-fécale, mais dans les milieux pauvres en ressources, il peut également l’être par voie hydrique2. Les principaux facteurs de risque de l’infection à H pylori sont les expositions environnementales liées à une situation socioéconomique défavorisée (p. ex., vivre dans des logements surpeuplés, disposer d’installations sanitaires inappropriées ou partager un lit avec ses frères et sœurs)3. La prédisposition génétique de l’hôte et les facteurs de virulence bactérienne ont probablement aussi une incidence sur le taux d’infections et de complications3.

La prévalence d’H pylori varie selon les régions du monde. On estime que les taux les plus élevés se trouvent en Afrique, en Asie de l’Ouest et en Amérique du Sud (de 60 % à 70 % de la population est infectée), alors que la prévalence est d’environ 35 % en Amérique du Nord et en Europe occidentale1.

Au Canada, l’infection à H pylori est associée à l’immigration de régions où la prévalence est élevée. Une étude transversale auprès d’adultes âgés de l’Ontario a établi une séroprévalence de 23,1 % et un risque relatif de 2,9 chez les personnes nées à l’étranger qui ont immigré après l’âge de 20 ans4. La prévalence d’H pylori est élevée dans certaines communautés autochtones du Canada5-7.

Les données sur l’H pylori sont limitées chez les enfants au Canada. Une étude multicentrique réalisée au début des années 2000 auprès d’enfants qui avaient été testés en raison d’une crainte d’H pylori a permis de dépister 5,8 % de cas de gastrite à H pylori démontrée par biopsie (chez des enfants de cinq à 14 ans)8. Des taux d’infection pouvant atteindre 30 % à 50 % ont été décelés chez des enfants de communautés autochtones5,9. Il n’y a pas de séries canadiennes du test d’antigène pour déceler l’H pylori dans les selles des enfants nouveaux arrivants, mais en Australie, ce test était positif chez 21 % à 82 % des réfugiés nouveaux arrivants, la prévalence la plus élevée étant observée chez les enfants d’Afrique10,11.

Les manifestations cliniques

L’infection à H pylori est généralement asymptomatique. Le risque d’ulcère gastroduodénal est de 10 % à 15 % au cours de la vie. Chez les enfants, la gastrite chronique n’est pas associée à des symptômes12. L’ulcère gastroduodénal (érosions ou ulcérations de l’estomac ou du duodénum) peut se manifester par une douleur épigastrique, une hématémèse, un méléna ou des selles sanglantes. D’autres symptômes gastro-intestinaux et constitutionnels non spécifiques peuvent être présents (p. ex., gonflements, nausées et vomissements, anorexie et perte de poids), mais ne devraient pas en eux-mêmes justifier un dépistage de l’H pylori. D’autres étiologies devraient être envisagées. Le diagnostic différentiel chez les enfants nouveaux arrivants qui présentent de tels symptômes incluent la tuberculose, les helminthes intestinaux, la schistosomiase, les troubles gastro-intestinaux comme les maladies inflammatoires de l’intestin, la maladie cœliaque, la gastroentérite à éosinophiles ou les manifestations somatiques de l’état de stress post-traumatique.

Il est postulé que l’H pylori contribue à l’anémie ferriprive par perte de sang découlant d’une maladie ulcérative, mais cette association n’est pas bien soutenue par les publications12. On constate une association possible avec la thrombopénie immune chronique, et de petites études pédiatriques démontrent certains bienfaits du traitement suppressif de l’H pylori pour la numération plaquettaire13.

Le cancer gastrique est une séquelle tardive de l’H pylori. Le risque d’adénocarcinome gastrique au cours de la vie est de 1 % à 3 %, et celui de lymphome des tissus lymphoïdes associé à la muqueuse, de 0,1 %2. Ces risques touchent rarement les enfants, mais les infections à H pylori acquises pendant l’enfance peuvent prédisposer à ces cancers plus tard dans la vie.

Les tests diagnostiques

L’endoscopie digestive haute, associée à des biopsies en vue de leur mise en culture et d’examens histologiques, est la norme pour diagnostiquer l’H pylori chez les enfants et adolescents symptomatiques. Selon les lignes directrices pédiatriques actuelles de NASPGHAN/ESPGHAN sur l’H pylori12, les indications du dépistage et du traitement sont limitées à l’égard des avantages nets chez les enfants, en raison i) de la nature invasive de l’endoscopie, ii) de la faible prévalence de la maladie clinique à H pylori chez les enfants, iii) des bienfaits du traitement chez les enfants qui ont seulement un ulcère gastroduodénal et iv) des taux croissants de résistance antimicrobienne et d’échec du traitement. Le sommaire des recommandations s’établit comme suit :

  • L’endoscopie est indiquée chez les enfants qui ont des symptômes évocateurs d’ulcère gastroduodénal.
  • Les biopsies pour dépister l’H pylori doivent être prélevées pendant l’endoscopie si des lésions gastroduodénales sont présentes ou s’il est entendu d’offrir un traitement advenant des biopsies positives.
  • Envisager une endoscopie en cas d’anémie ferriprive réfractaire lorsqu’aucune autre cause n’est établie.
  • Envisager un test d’H pylori non invasif pour dépister un purpura thrombopénique idiopathique chronique.
  • Aucun test n’est recommandé en cas de douleur abdominale fonctionnelle ou de patient de petite taille.

De multiples biopsies sont envoyées en culture et sensibilité, à l’examen histologique et au test d’uréase rapide.

Il y a des tests non invasifs pour dépister l’H pylori, mais ils ne sont pas recommandés pour obtenir un diagnostic initial, car la présence d’une infection ne se traduit pas nécessairement par un traitement. Les tests non invasifs sont surtout utilisés pour confirmer l’éradication de l’infection. Le test respiratoire à l’urée permet de déceler le dioxyde de carbone marqué libéré par l’H pylori dans l’air expiré après l’administration orale d’urée marquée par des isotopes. Ce test, qui est approuvé par la Food and Drug Administration des États-Unis pour les enfants de trois ans et plus, est difficile sur le plan technique chez les jeunes enfants, et sa disponibilité est limitée.

Le test des antigènes dans les selles fait appel à la méthode d’immunoabsorption enzymatique pour déceler les antigènes de l’H pylori dans des prélèvements fécaux. Il peut être utilisé chez les enfants de tout âge. Les deux tests ont une sensibilité et une spécificité élevées3.

Les tests fondés sur la détection des anticorps (IgG, IgA) contre l’H pylori dans le sérum, le sang entier ou la salive ne sont pas considérés comme fiables en milieu clinique12. En effet, les IgG peuvent persister des années après la résolution de l’infection et ne sont donc absolument pas indicateurs d’une infection active.

Le traitement

Les enfants atteints d’une infection à H pylori et d’un ulcère gastroduodénal devraient être soumis à un traitement suppressif. Il faut envisager un traitement chez les enfants atteints d’anémie ferriprive réfractaire ou de purpura thrombopénique chronique présentant des manifestations d’infection à H pylori. Si l’H pylori est diagnostiqué par hasard à la biopsie endoscopique, en l’absence d’ulcère gastroduodénal, il faut échanger avec le patient et sa famille sur les risques et les avantages du traitement12.

Le traitement suppressif est composé d’antibiotiques combinés à un inhibiteur de la pompe à protons pour en accroître l’effet antimicrobien. La durée du traitement devrait être de 14 jours, car l’efficacité des traitements plus longs est démontrée.

Il est essentiel d’opter pour une posologie appropriée. Les taux de succès de la suppression ont fléchi au cours du temps; il n’est pas rare qu’ils n’atteignent pas le seuil des 90 % souhaité14. Le traitement peut échouer à cause d’une mauvaise adhésion, mais l’antibiorésistance croissante (notamment à la clarithromycine) en est une raison importante. Dans une étude canadienne, de 30 % à 40 % des isolats d’H pylori étaient résistants au métronidazole et à la clarithromycine, respectivement15. Des tests de sensibilité des isolats d’H pylori doivent être effectués par des méthodes traditionnelles ou moléculaires, mais ils ne sont pas toujours possibles si les cultures ne développent pas l’organisme.

Les lignes directrices de l’ESPGHAN/NASPGHAN contiennent les recommandations suivantes (les consulter pour en savoir plus)12 :

  • Lorsqu’on ne connaît pas les sensibilités :
    • Le choix de première intention est une quadrithérapie à base de bismuth.
    • De fortes doses d’amoxicilline, de métronidazole et d’inhibiteur de la pompe à protons peuvent aussi être utilisées.
  • Lorsqu’on connaît les sensibilités :
    • En cas de souche pleinement sensible, une dose standard d’amoxicilline, de clarithromycine et d’inhibiteur de la pompe à protons est préconisée.
    • Autrement, le traitement dépend des sensibilités ou peut être à base de bismuth.

Il est possible d’adapter le choix, la posologie et la formulation du médicament en fonction de l’âge et d’autres facteurs. Il est recommandé de consulter en infectiologie, en gastroentérologie ou auprès de ces deux spécialités avant d’amorcer le traitement.

Il faut donner des conseils aux patients et aux familles au sujet de l’importance d’une adhésion rigoureuse pour optimiser les chances de supprimer l’infection et de prévenir l’apparition d’une résistance.

Un suivi est recommandé pour évaluer la résolution des symptômes et la suppression de l’infection à H pylori. Il est recommandé d’utiliser un test non invasif (test respiratoire à l’urée ou détection des antigènes dans les selles) au moins quatre à huit semaines après la fin du traitement. La détection des antigènes dans les selles peut donner des résultats positifs jusqu’à 90 jours après le traitement1. La suppression est associée à une guérison à long terme, mais les taux de réinfection dans la population pédiatrique se situent entre 2 % à 20 %, selon la prévalence locale12.

La prévention

Le dépistage de l’H pylori dans les populations à haut risque

En théorie, le dépistage et le traitement de l’H pylori chez les personnes asymptomatiques pourraient prévenir l’ulcère gastroduodénal et le cancer gastrique. Toutefois, on ne sait pas qui finira par présenter ces complications, et le traitement comporte des risques à la fois individuels et communautaires (antibiorésistance). Le groupe consensuel Asie-Pacifique sur le cancer gastrique a recommandé le dépistage de l’infection à H pylori dans les populations à haut risque (incidence de cancer gastrique de plus de 20 cas sur 100 000 personnes)16. Le dépistage n’était pas recommandé chez les enfants en raison du faible risque de maladie ayant une incidence clinique et du risque accru de réinfection16,17. Une récente méta-analyse des études aléatoires et contrôlées réalisée en Asie a fourni des données probantes modérées sur le dépistage et le traitement des adultes en santé : le traitement de suppression a réduit l’incidence de cancer gastrique d’environ 50 % par rapport au placebo, ce qui signale une diminution de la mortalité18. On ne sait pas si ces avantages sont répliqués chez les enfants de ces régions ou dans les populations présentant de faibles taux de cancer gastrique.

Les lignes directrices nord-américaines actuelles ne contiennent pas de recommandations particulières sur le dépistage systématique de l’infection à H pylori chez les immigrants et les réfugiés asymptomatiques12,19.

La vaccination

Aucun vaccin n’est actuellement homologué pour prévenir l’infection à H pylori. Il a été démontré qu’un vaccin recombinant par voie orale avait une efficacité de 71 % pour réduire l’infection à H pylori chez les enfants20, mais il n’est pas utilisé en milieu clinique.

Conclusion

Les cliniciens doivent savoir que le risque d’infection à H pylori est plus élevé chez les récents immigrants et réfugiés et connaître les indications pour procéder au dépistage et au traitement de l’H pylori conformément aux lignes directrices pédiatriques à jour.

Références

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Éditeurs scientifiques

Laura Erdman, MD

Nicola Jones, MD

Susan Kuhn, MD

Mise à jour : août, 2019