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Guide pour les professionnels de la santé œuvrant auprès des familles immigrantes et réfugiées

La fièvre entérique (fièvre typhoïde et paratyphoïde)

Faits saillants

  • La fièvre entérique est une infection fébrile aiguë causée par la Salmonella enterica de sérotypes Typhi, Paratyphi A et Paratyphi B au potentiel mortel. Chaque année, on estime que 22 millions de cas et 200 000 décès connexes sont attribuables au Salmonella typhi de par le monde.
  • Les aliments et l’eau contaminés par les excréments et l’urine d’une personne qui est atteinte d’une infection aiguë ou porteur chronique sont les sources de l’infection.
  • Les immigrants et les réfugiés d’Asie du Sud sont les plus vulnérables à la fièvre entérique. Ils sont également les plus vulnérables à des infections multirésistantes aux médicaments.
  • Le diagnostic repose sur l’observation clinique et les cultures. Aucun test sérologique fiable n’est en vente au Canada.
  • L’antibiothérapie spécifique raccourcit la durée clinique de la fièvre entérique et réduit le risque de décès.
  • La maladie est à déclaration obligatoire auprès de la santé publique. Des restrictions régionales à  la fréquentation des milieux de garde (enfants et personnel) et à la manipulation des aliments sont obligatoires.

La fièvre entérique est une infection fébrile aiguë au potentiel mortel causée par le Salmonella typhi (fièvre typhoïde) ou le S. paratyphi (fièvre paratyphoïde). Elle est transmise par l’eau et les aliments contaminés par les excréments ou l’urine d’une personne atteinte d’une infection aiguë, d’une personne en convalescence ou d’un porteur chronique asymptomatique.

L’épidémiologie

On estime que 22 millions de cas de fièvre entérique et 200 000 décès connexes se produisent chaque année de par le monde. Le risque de mortalité est élevé (environ 16 % sans antibiothérapie), mais chute à 1 % grâce à une antibiothérapie pertinente.1

La fièvre entérique est plus courante chez les enfants d'âge scolaire ou préscolaire qui vivent dans des régions endémiques et peut donc être source d’inquiétude chez les jeunes néo-canadiens et les jeunes voyageurs de retour d’une région à haut risque.

Les facteurs de risque

Les personnes vulnérables à l’infection sont les nouveaux arrivants au Canada (immigrés depuis moins de trois mois) qui proviennent d’une région à haut risque ou les récents voyageurs de retour d’une région particulièrement à haut risque. La fièvre entérique est plus courante dans les régions du monde où les systèmes d’aqueduc et d’hygiène sont insuffisants. Selon les données épidémiologiques, l’Asie du Sud, l’Asie du Sud-Est, l’Asie centrale et l’Afrique subsahariennes sont les régions les plus à risque (voir la figure 1).2 Des antécédents de vaccination contre la typhoïde n’éliminent pas le risque d’infection, car la protection vaccinale est limitée (50 % à 80 %).3

Figure 1. Répartition géographique de la fièvre typhoïde

Source : Crump JA, Luby SP, Mintz ED. The global burden of typhoid fever. Bull World Health Organ 2004;82(5):346-53. Traduction autorisée

Il est rare que les enfants deviennent des porteurs asymptomatiques chroniques après une infection aiguë par la typhoïde. Si son hygiène personnelle laisse à désirer, un porteur chronique peut représenter un risque de transmission pour son entourage. Un porteur chronique est une personne qui excrète le S. typhi dans ses excréments ou son urine (ou dont les cultures biliaires ou duodénales sont constamment positives) plus d’un an après l’apparition de la fièvre typhoïde aiguë.

Les indices cliniques

La présentation clinique de la fièvre entérique est non spécifique et peut osciller entre une maladie bénigne (fièvre légère, malaise, parfois toux sèche et légère) et une maladie grave (douleurs abdominales marquées, graves complications).4 La période d’incubation dépend de la charge infectante. En général, elle dure de une à trois semaines, mais elle peut varier entre trois jours et trois mois.

Les signes cliniques de fièvre entérique s’établissent comme suit :

  • Fièvre soutenue à 40 °C
  • Malaise
  • Maux de ventre
  • Constipation ou diarrhée
  • Céphalées marquées
  • Altération de l’état mental
  • Macules roses évanescentes (érythémateuses, qui blanchissent à la pression, légèrement surélevées, surtout présentes sur le tronc)
  • Hépatomégalie
  • Splénomégalie
  • Dactylite

La gravité de l’infection

Chez 10 % à 15 % des patients, les complications de la fièvre entérique se manifestent habituellement pendant la deuxième ou la troisième semaine de la maladie. On peut observer une hémorragie intestinale et une perforation intestinale au potentiel mortel chez 3 % des patients hospitalisés atteints de fièvre typhoïde. La méningite et l’endocardite sont des complications plus rares. Les patients ayant une thalassémie ou un déficit en glucose-6-phosphate déshydrogénase (G6PD) peuvent présenter une hémolyse pendant la fièvre typhoïde.

Plusieurs facteurs peuvent influer sur la gravité et l’issue de l’infection entérique :4

  • Durée de la maladie avant le traitement
  • Choix de traitement antimicrobien
  • Âge
  • Exposition antérieure
  • Antécédents de vaccination contre la typhoïde
  • Virulence de la souche bactérienne
  • Quantité d’inoculum ingérée
  • Caractéristiques du patient, telles que le type d’antigène d’histocompatibilité (HLA), l’immunosuppression (p. ex., sida)
  • Médicaments qui limitent l’acidité gastrique (p. ex., antagonistes des récepteurs H2, antiacides)

Le diagnostic

Il faut envisager un diagnostic chez tous les enfants fébriles qui ont voyagé dans une région endémique ou qui en ont émigré au cours des trois mois précédents.

Le meilleur moyen de diagnostiquer la fièvre entérique consiste à prélever plusieurs hémocultures au début de la maladie. Une seule hémoculture donne des résultats positifs dans la moitié des cas seulement. Il faut envoyer au moins un échantillon de selle pour effectuer une culture bactérienne et déterminer la sensibilité aux antibiotiques (résultat dans 30 % à 50 % des cas). La culture d’urine est la moins probante5. Elle peut être utile chez les enfants immigrants et réfugiés qui ont des antécédents d’infections des voies urinaires par le Schistosoma hematobium ou la tuberculose, susceptibles de les prédisposer à un portage urinaire chronique après la fièvre typhoïde. Il est parfois nécessaire de prélever un aspirat de moelle osseuse pour le mettre en culture (rendement de 90 %). La formule sanguine peut démontrer une leucopénie.

Le test de Widal est un test sérologique utilisé pour déceler les immunoglobulines M et G (IgM et IgG) et les antigènes O et H de la Salmonella. Ce test, qui n’est pas fiable, n’est toutefois pas recommandé au Canada. Aucun test sérologique plus récent n’est facilement accessible.

Puisqu’il n’existe pas de test sérologique fiable pour diagnostiquer la fièvre entérique et que les cultures peuvent être négatives, il faut parfois se contenter d’un diagnostic clinique.

La prise en charge

Le contrôle des infections

En présence de patients hospitalisés atteints d’une fièvre entérique diagnostiquée, il faut prendre des précautions contre la transmission par contact jusqu’à ce que trois coprocultures successives donnent des résultats négatifs.6 Il faut prélever les échantillons au moins 48 heures après l’arrêt de la thérapie antimicrobienne.

La thérapie antimicrobienne

Une thérapie antimicrobienne spécifique raccourcit l’évolution clinique de la fièvre typhoïde et réduit le risque de décès. Les souches contractées dans des pays en développement résistent souvent à de nombreux antibiotiques (voir la figure 2), mais sont généralement encore susceptibles à la ceftriaxone. La multirésistance aux médicaments (à l’ampicilline, au cotrimoxazole, au chloramphénicol) s’est manifestée dans les années 1980, suivie par une diminution de la susceptibilité à la ciprofloxacine dans les années 1990 et, plus récemment, par des cas sporadiques de souches productrices de céphalosporinase à large spectre. La résistance est plus problématique en Asie du Sud et au Moyen-Orient, mais elle se répand dans d’autres parties d’Asie et d’Afrique.12

L’antibiothérapie parentérale empirique à la ceftriaxone peut être remplacée par de l’ampicilline, du cotrimoxazole, de l’azithromycine ou de la ciprofloxacine si les bactéries y sont susceptibles, en tenant également compte du siège de l’infection, de l’hôte et de la réponse clinique. La ciprofloxacine comporte des avantages. En effet, en cas de S. typhi susceptible, la fièvre disparaît plus rapidement, les rechutes sont moins fréquentes et le portage par les selles est moins élevé. L’utilisation des fluoroquinolones n’est pas approuvée chez les enfants de moins de 18 ans. Cependant, des espèces de Salmonella multirésistantes aux médicaments constituent une indication potentielle d’utilisation de la ciprofloxacine.2,7,8 Dans les cas non compliqués où le Salmonella typhi ou le Salmonella paratyphi est résistant à la ciprofloxacine, l’azithromycine peut être l’antibiotique oral le plus puissant, si l’organisme y est sensible.

Il est recommandé d’administrer une antibiothérapie contre la fièvre entérique pendant dix à 14 jours, même si un traitement plus court (de sept à dix jours) peut être efficace dans les cas non compliqués. Il faut traiter la méningite pendant au moins quatre semaines, et l’ostéomyélite pendant quatre à six semaines.9

Figure 2. Répartition mondiale de la résistance au S. enterica de sérotype Typhi (jusqu’en 2013). Les régions ombragées indiquent l’endémicité de la maladie.

Source : Wain et coll. Typhoid Fever. Lancet 2015;385(9973) :1136-45. Traduction autorisée

D’autres traitements de soutien

D’autres mesures de soutien visent la prise en charge des patients atteints de fièvre entérique :4

  • Hydratation orale ou intraveineuse
  • Acétaminophène
  • Soins intensifs
  • Alimentation pertinente
  • Transfusion sanguine

Les corticoïdes ont toujours été proposés pour traiter les patients atteints d’une grave fièvre entérique, caractérisée par un délire, une obnubilation, une stupeur, un coma ou un état de choc.2,5,10 Toutefois, une analyse récente laisse supposer que de plus vastes études s’imposent pour en confirmer l’utilité.13

Les rechutes

Le taux de rechutes est de 5 % à 10 %, malgré l’administration d’un traitement pertinent.5 D’ordinaire, les rechutes se produisent de deux à trois semaines après la résolution de la fièvre et sont moins graves que la maladie initiale. Comme dans le cas de la maladie initiale, il faut répéter les cultures avant d’amorcer l’antibiothérapie. En général, le profil de susceptibilité aux antibiotiques est le même que pendant l’épisode initial. Selon les signes et symptômes cliniques, on devra peut-être envisager un diagnostic différentiel.

La déclaration à la santé publique et l’exclusion

Il faut aviser les autorités de santé publique des cas d’infection par le Salmonella typhi et le Salmonella paratyphi et établir la prise en charge pertinente des cas et des contacts, comme l’oblige la région. Les enfants et le personnel des milieux de garde sont exclus jusqu’à ce que trois cultures de selles consécutives, prélevées au moins 48 heures après la fin du traitement antibiotique, soient négatives.3

La prévention

L’information sur la prévention est abordée dans le module sur les maladies des voyageurs

Quelques ressources

Références

  1. Agence de la santé publique du Canada. Guide canadien d’immunisation : Édition évolutive. Voir la partie 4, Vaccins actifs.
  2. Mogasale V, Maskery B, Ochiai RL, Lee JS, Mogasale VV, Ramani E, Kim YE, Park JK, Wierzba TF. Burden of typhoid fever in low-income and middle income countries: a systematic, literature-based update with risk-factor adjustment. Lancet Glob Health. 2014;2(10):e570–80
  3. American Academy of Pediatrics. Salmonella infections. In: Pickering LK, Baker CJ, Kimberlin DW, Long SS, éd. Red Book: 2015 Report of the Committee on Infectious Diseases. Elk Grove Village, IL: American Academy of Pediatrics; 2015:700.
  4. Organisation mondiale de la Santé. Background document: The diagnosis, treatment and prevention of typhoid fever. Genève, Suisse: OMS, 2003.
  5. Parry CM, Hien TT, Dougan G, White NJ, Farrar JJ. Typhoid fever. N Engl J Med 2002;347(22):1770-82.
  6. American Academy of Pediatrics. Red Book 2015:699.
  7. Bradley JS, Jackson MA; comité des maladies infectieuses, American Academy of Pediatrics. The use of systemic and topical fluoroquinolones. Pediatrics 2011;128(4): e1034-45.
  8. Trivedi NA, Shah PC. A meta-analysis comparing the safety and efficacy of azithromycin over the alternate drugs used for treatment of uncomplicated enteric fever. J Postgrad Med 2012;58(2):112-8.
  9. American Academy of Pediatrics. Red Book 2015:698.
  10. Organisation mondiale de la Santé. Diagnosis, treatment and prevention of typhoid fever:22.
  11. American Academy of Pediatrics. Red Book 2015:700.
  12. Wain et coll. Typhoid Fever. Lancet 2015;385(9973):1136-45.
  13. Contopoulos-Ioannidis DG, Ionnidis JP. Claims for improved survival from systemic corticosteroids in diverse conditions: an umbrella review. Eur J Clin Invest 2012 Mar;42(3):233-44.

Éditeurs scientifiques

Heather Onyett, MD

Mise à jour : février, 2023