Skip to main content
Caring for kids new to Canada

Guide pour les professionnels de la santé œuvrant auprès des familles immigrantes et réfugiées

L’influence de la culture sur la santé

Faits saillants

  • La culture est un ensemble d’idées, de coutumes et de comportements que partage un peuple ou une société donné. Elle est en constante évolution.
  • Le rythme de l’évolution culturelle varie. Il augmente lorsqu’un groupe migre et intègre des éléments d’une nouvelle culture à sa culture d’origine.
  • Les enfants se débattent souvent avec le fait d’être « entre les cultures », d’équilibrer « l’ancien » et « le nouveau ». Ils appartiennent essentiellement aux deux cultures, tandis que souvent, les parents appartiennent surtout à « l’ancienne ».
  • On peut classer les cultures comme surtout « collectivistes » ou surtout « individualistes ». S’ils savent les distinguer, les professionnels de la santé pourront mieux établir un diagnostic et adapter le plan de traitement pour qu’il inclue un groupe plus important ou plus restreint.
  • La culture a une vaste influence sur la santé. Elle colore la perception de la santé, de la maladie et de la mort, les croyances sur les causes des maladies, les approches envers la promotion de la santé, l’expérience et l’expression de la maladie et de la douleur, les lieux où les patients se tournent pour obtenir de l’aide et le type de traitement que les patients préfèrent.
  • Tant les professionnels de la santé que les patients sont influencés par leurs cultures respectives. Le système de santé canadien est façonné par les croyances habituelles des cultures dominantes de son histoire.
  • Les préjugés culturels peuvent donner lieu à des préférences et à des perceptions fort différentes sur le plan de la santé. On a des compétences culturelles lorsqu’on connaît et qu’on négocie des différences. Cette perspective vous permet de vous informer expressément des diverses croyances et des diverses sources de soins ainsi que d’intégrer vos nouvelles prises de conscience dans le diagnostic et le plan de traitement.
  • Le fait de connaître la culture d’un patient peut favoriser la confiance, de meilleurs soins, un taux d’acceptation plus élevé du diagnostic et un meilleur respect du traitement.

Qu’est-ce que la culture?

La culture désigne la combinaison d’idées, de coutumes et de comportements que partage un peuple ou une société donné. Ces combinaisons déterminent l’appartenance des membres à un groupe et les distinguent des autres groupes. La culture peut inclure la totalité ou une partie des caractéristiques suivantes :1

Étant donné le nombre de facteurs susceptibles d’influer sur une culture, il y a naturellement une grande diversité au sein d’un même groupe culturel. Il peut être utile de généraliser les caractéristiques précises d’une culture, mais il faut s’assurer de ne pas trop généraliser.

  • L’ethnie
  • La langue
  • La religion et les croyances spirituelles
  • Le sexe
  • La classe socioéconomique
  • L’âge
  • L’orientation sexuelle
  • L’origine géographique
  • L’histoire du groupe
  • L’instruction
  • L’éducation
  • L’expérience de vie

La culture est :

  • dynamique et évolutive,
  • apprise et transmise d’une génération à l’autre,
  • partagée entre ceux qui conviennent de la manière dont ils nomment et comprennent la réalité,
  • souvent identifiée « symboliquement » à la langue, à la manière de se vêtir, à la musique et aux comportements,
  • intégrée à tous les aspects de la vie d’un individu.2

Exemples de cas

Comparez les deux histoires suivantes et imaginez comment chaque enfant peut réagir différemment à une situation similaire, comme un problème à l’école, une critique ou la maladie de sa mère.

Une voie de sortie?

Une fillette soudanaise de dix ans a vécu trois ans comme l’enfant la plus négligée d’une tante qui avait quatre autres enfants. Sa mère, une journaliste soudanaise, avait été persécutée et emprisonnée après avoir rédigé des articles controversés sur le plan politique dans un journal national. Un soir, la mère est arrivée soudainement pour reprendre l’enfant sous le couvert de la nuit. Elles ont marché toute la nuit et réussi à passer la frontière. Une fois traversées, elles ont habité dans un camp de réfugiés pendant deux ans et affronté diverses difficultés parce qu’il n’y avait pas de membre de la famille de sexe masculin pour les protéger. Finalement, avec l’aide du Haut commissaire aux Nations Unies pour les réfugiés et du gouvernement canadien, elles sont arrivées au Canada à titre de réfugiées prises en charge par le gouvernement. Depuis, la mère a reçu un diagnostic de syndrome de stress post-traumatique, et même si elle est soignée, elle éprouve de la difficulté à fonctionner au quotidien et à s’adapter à la vie au Canada. Sa fille est vite devenue l’interprète et la soignante de sa mère. Elle semble bien adaptée, obtient de bons résultats scolaires, est motivée à aider sa mère, sourit et parle facilement et est très motivée à apprendre l’anglais. Personne n’a pensé à lui demander comment elle a digéré sa propre histoire.

Tourner la page

La fille de dix ans d’une enseignante soudanaise d’une région prospère de Khartoum quitte le pays avec sa mère sous la protection d’un diplomate pendant une période de stabilité. Ce diplomate a préparé des visas vers l’Allemagne et a fourni une voiture aux plaques d’immatriculation diplomatiques conduite par un chauffeur compétent, qui les a menées à l’aéroport le plus sûr. Elles ont pris un petit avion jusqu’à un vol déjà réservé vers Francfort, en Allemagne. La mère et la fille ont habité deux ans à Francfort, où la fille a fréquenté l’école pendant que sa mère travaillait comme tutrice. Elles louaient une chambre à une amie. Elles ont fini par décider de migrer au Canada pour rejoindre leur famille élargie à Toronto, qui les a parrainées. La mère s’est remariée après son arrivée au Canada.

Points d’apprentissage

  • La diversité existe au sein d’une même culture.
  • L’adaptation d’un enfant peut dépendre de nombreux facteurs en plus de la culture (personnels, familiaux, liés à la migration, sociaux et environnementaux).
  • Les effets négatifs de ces facteurs peuvent être bien dissimulés par l’enfant.
  • Un enfant peut compenser pour les incapacités du parent.
  • Les trajectoires de migration comportent des variations importantes.

La culture : le caché et l’apparent

La culture se compare à un iceberg, dont les caractéristiques les plus représentatives se situent sous la surface. Les éléments culturels explicites sont souvent évidents, mais ont peut-être moins d’influence que les éléments invisibles ou inconscients qui font contrepoids, comme on peut le voir ci-dessous.

Figure 1
Traduction de la diapositive 6, Introduction to clinical cultural competence
Source : Traduction de la diapositive 6, Introduction to clinical cultural competence. Clinical Cultural Competency Series. Courtoisie du Centre for Innovation & Excellence in Child & Family Centred Care, The Hospital for Sick Children

Le continuum culturel

La culture est souvent divisée en deux grandes catégories, aux deux extrémités opposées du continuum : le collectiviste ou l’individualiste. La plupart des cultures se situent quelque part entre ces deux pôles et possèdent des caractéristiques de chacun d’eux. De plus, dans une culture donnée, des variations individuelles oscillent dans le spectre. Il est toutefois utile de connaître les caractéristiques des cultures collectivistes et des cultures individualistes (voir le tableau 1), parce qu’elles aident les praticiens à déterminer où « se situe » une famille dans le continuum culturel et à adapter les soins aux patients en conséquence. 

Les cultures collectivistes et individualistes peuvent susciter des points de vue différents sur la santé humaine, de même que sur le traitement, le diagnostic et les causes des maladies. Selon la position du patient dans le continuum culturel, il peut être utile d’inclure la famille élargie dans les discussions sur l’origine de la maladie, le diagnostic et le traitement. Il faudra peut-être obtenir le consentement de la famille élargie avant de procéder à certaines interventions diagnostiques et thérapeutiques.

Tableau 1. Les caractéristiques des cultures collectivistes et individualistes
Culture collectiviste Culture individualiste

Est axée sur le « nous »

Est axée sur le « je »

Favorise les rapprochements et l’interdépendance

Valorise l’autonomie

A des liens étroits avec la famille

Perçoit la capacité de prendre des choix individuels et personnels comme justifiée

Valorise le respect et l’obéissance

Met en valeur l’initiative et les réalisations individuelles

Met en valeur les objectifs collectifs, la coopération et l’harmonie

Accorde moins d’importance aux valeurs et points de vue collectifs, dans moins d’aspects de la vie

Accorde une plus grande importance, plus vaste, aux valeurs et points de vue collectifs

Source : Adapté et traduit de la diapositive 11, Cross-cultural communication. Clinical Cultural Competency Series. Courtoisie du Centre for Innovation & Excellence in Child & Family Centred Care, The Hospital for Sick Children

Indécision ou prise de décision?

Vous vous attendez peut-être qu’une mère de 26 ans prenne une décision seule au sujet du traitement de son enfant. Vous venez de terminer l’évaluation d’un enfant de six ans et proposez deux possibilités d’examen à la mère. La mère évite de prendre une décision définitive et vous répond en termes vagues. Elle semble tourner en rond, hésiter entre l’un et l’autre choix, même après avoir obtenu toute l’information nécessaire pour déterminer la voie à suivre. Vous savez qu’elle a terminé le secondaire et remarquez avec impatience que vous avez déjà passé une heure avec elle. La semaine suivante, elle revient. Vous vous inquiétez de la durée de la visite et craignez de prendre du retard sur vos autres patients. À votre grande surprise, elle est décidée. Vous la sondez, et elle finit par vous confier qu’elle a discuté des possibilités thérapeutiques avec son mari et sa belle-mère et qu’ensemble, ils ont convenu de la meilleure solution. Elle peut maintenant autoriser les examens de son enfant en toute confiance.

Point d’apprentissage

  • La culture du dispensateur de soins est individualiste, tandis que celle de la mère est plus collectiviste. La mère avait besoin de consulter avant de donner une réponse.
  • Les styles de communication diffèrent. La mère craignait d’humilier le dispensateur de soins en mettant ses conseils en doute, mais ne se sentait pas à l’aise d’admettre qu’elle devait parler des divers choix à la maison avant de prendre une décision.
  • Le niveau d’instruction n’a rien à voir; c’est un leurre.

Les effets de la culture sur la santé

La santé est un concept culturel, car la culture façonne et encadre nos expériences et notre perception du monde. Conjointement avec d’autres déterminants de la santé et de la maladie, la culture contribue à définir :

  • la perception de la santé et de la maladie par les patients et les dispensateurs de soins;
  • les croyances des patients et des dispensateurs de soins quant aux causes de la maladie. Par exemple, certains patients ne connaissent pas la théorie des microbes et croient plutôt au fatalisme, au djinn (dans l’Afghanistan rural, un esprit malin s’empare de l’enfant et est responsable d’une maladie évocatrice du tétanos), au mauvais œil ou au démon. Ils n’accepteront peut-être pas le diagnostic et peuvent même croire qu’ils ne peuvent pas changer l’évolution des événements. Ils peuvent plutôt accepter la situation à mesure qu’elle prend forme.
  • les maladies et problèmes honteux et les raisons pour lesquelles ils le sont. Dans de nombreuses cultures, la dépression suscite couramment l’opprobre, et une personne qui consulte un psychiatre est nécessairement « folle ».
  • le type d’activités de promotion de la santé privilégiées, recommandées ou assurées. Dans certaines cultures, être « fort » (ce que les Canadiens considéreraient comme « gras ») s’apparente à avoir des réserves d’énergie contre la famine, et les femmes « fortes » sont désirables et saines.
  • la perception et l’expression de la maladie et de la douleur. Dans certaines cultures, le stoïcisme est la norme, même devant d’intenses douleurs. Dans d’autres, les gens expriment ouvertement des sensations de douleur modérée. L’importance de procéder à des examens ou de traiter la douleur peut varier.
  • les lieux où les patients demandent de l’aide, leur manière de le faire et peut-être même le moment où ils le font. Dans certaines cultures, les patients ont tendance à consulter d’abord un dispensateur de soins connexes et à réserver la visite au médecin aux problèmes graves.
  • les interactions des patients avec les dispensateurs de soins. Par exemple, ne pas avoir de contact visuel direct est un signe de respect dans bien des cultures, mais un dispensateur de soins peut se demander si un tel comportement dénote un état dépressif.
  • le degré de compréhension et d’adhésion aux choix thérapeutiques recommandés par les dispensateurs de soins qui ne partagent pas leurs croyances culturelles. Certains patients sont d’avis qu’un médecin qui ne leur fait pas d’injection ne prend pas leurs symptômes au sérieux.
  • la perception des maladies chroniques et des diverses possibilités thérapeutiques par les patients et les dispensateurs de soins.

La culture influe également sur la santé d’autres manières, comme celles qui suivent :

  • L’acceptation du diagnostic, y compris qui informer, quand et comment les informer
  • L’acceptation des mesures de santé préventive ou de promotion de la santé (p. ex., vaccins, soins prénatals, contraception, tests de dépistage, etc.)
  • La perception du contrôle à prévenir et à maîtriser la maladie
  • Les perceptions de la mort, de la fin de vie et des personnes qui devraient y participer
  • L’utilisation de la communication directe ou indirecte. On peut percevoir les contacts visuels ou l’évitement des contacts visuels comme impolis ou polis, selon la culture
  • La volonté de discuter des symptômes avec un dispensateur de soins ou en présence d’un interprète
  • L’influence de la dynamique familiale, y compris le rôle traditionnel des sexes, les responsabilités filiales et les profils de soutien entre les membres de la famille
  • Les perceptions de la jeunesse et du vieillissement
  • L’accessibilité du système de santé et la qualité de son fonctionnement

Ce que les professionnels de la santé peuvent faire

Les dispensateurs de soins sont plus susceptibles d’avoir des interactions positives avec les patients et de leur prodiguer de meilleurs soins s’ils comprennent les différences entre leurs valeurs culturelles, leurs croyances et leurs pratiques et celles de leurs patients.

Les suggestions suivantes peuvent vous aider à soigner des patients nouvellement arrivés au Canada et à communiquer avec eux:3,4

  • Examinez en quoi vos propres croyances, valeurs et comportements culturels peuvent influer sur vos interactions avec vos patients. Si vous pensez qu’une interaction est compromise par des préjugés culturels (les vôtres ou ceux de votre patient), envisagez demander de l’aide.
  • Respectez et comprenez les diverses perceptions culturelles de ce qui constitue des traitements efficaces ou convenables et composez avec elles. Demandez à vos patients comment ils souhaitent recevoir leurs soins et être informés de leurs traitements et consignez leurs réponses.
  • Au besoin, prenez des dispositions pour obtenir les services d’un interprète convenable. 
  • Écoutez vos patients attentivement et confirmez que vous avez compris leurs messages.
  • Assurez-vous de savoir comment le patient perçoit la santé ou la maladie.
  • Admettez que les familles peuvent recourir à des traitements complémentaires et parallèles. À l’égard de certaines maladies définies, rappelez-leur que ces traitements peuvent retarder les tests biomédicaux ou les traitements médicaux et nuire à leur santé.
  • Tentez de déterminer où le patient se situe dans le processus d’adaptation à la culture canadienne. Évaluez son système de soutien. Quelle est sa maîtrise de la langue? 
  • Négociez un plan thérapeutique fondé sur une compréhension et une entente mutuelles.
  • Au Canada, l’information sur la santé est généralement imprimée. Demandez si le patient ou sa famille profiterait de messages verbaux ou visuels en raison de leur culture et d’une méconnaissance de la lecture ou de l’écriture.

Vous pouvez en savoir davantage sur les compétences culturelles, y compris des stratégies visant à prodiguer des soins adaptés à la culture.  Des outils et ressources utiles proviennent d’autres sources. The Hospital for Sick Children a créé une série de modules de cyberformation, en anglais. Vous serez peut-être intéressé par deux modules en particulier, soit celui sur la communication transculturelle et celui sur les pratiques parentales selon les cultures.

Les soins de santé aux divers groupes culturels

La préparation d’un guide pour aider les professionnels de la santé à comprendre les préférences et caractéristiques culturelles autour du monde serait une tâche gargantuesque. De plus, un tel document serait biaisé par les perspectives culturelles de l’auteur. Les professionnels de la santé du Canada proviennent de cultures de plus en plus diversifiées et ont des perceptions très variées du monde et des gens qui les consultent.

Cependant, les dispensateurs de soins devraient acquérir des habiletés en matière de compétences culturelles et de soins axés sur les patients. Ces compétences peuvent orienter l’exploration, le respect et l’utilisation des similarités et différences culturelles pour améliorer la qualité des soins et l’issue des patients. 

Par-dessus tout, souvenez-vous que :

  • les cultures sont des dynamiques,
  • on observe une énorme diversité au sein d’une même culture,
  • alors même que vous pensez avoir compris une culture, celle-ci aura évolué ou vous découvrirez des exceptions.

Ressources

Webinaire (offert en anglais seulement) :

Références

  1. University of Minnesota, Center for Advanced Research on Language Acquisition. What is culture?
  2. Nova Scotia Department of Health, Primary Health Care Section, 2005. A cultural competence guide for primary health care professionals in Nova Scotia.
  3. Kodjo, C. Cultural competence in clinician communication. Paediatr Rev 2009;30(2):57-64.
  4. University of Washington Medical Center. Communication Guide: All Cultures. Culture Clue for Clinicians, 2011.

Éditeurs scientifiques

Maureen Mayhew, MD

Mise à jour : février, 2023